Le peintre et le décoratif : une moderne unité des arts
Par Stéphane LAURENT
Entre 1870 et 1950 environ, le décoratif constitue un fait culturel et social incontournable. Il est dans tous les esprits : « Je suis assez vieux, écrit Ernst Gombrich dans les années 1970, pour me souvenir de la génération des amoureux de l’art qui affirmaient que l’évaluation d’une bonne peinture reposait sur ce qu’ils appelaient ses qualités « décoratives ». Il importait peu qu’on l’accrochât dans le bon sens ou bien à l’envers . »
Depuis Paul Gauguin, auteur de bois sculptés, d’éventails et de céramiques, et qui dit regretter de n’être point artisan, l’idée du décoratif est au centre des préoccupations des artistes . Annoncée par le caractère émaillé de la peinture de Gustave Moreau et par la planéité de celle de Puvis de Chavannes, stimulée par le japonisme puis par l’Art Nouveau avant de l’être par l’Art Déco, portée par la critique d’art, elle s’impose dans le mouvement nabi tout comme dans la génération suivante, celle du fauvisme. Dufy lui-même voit dans le goût de la peinture fauve pour l’arabesque, la déformation et le sens de la liberté des formes une transposition des arts populaires slaves et orientaux . Si certains comme Vlaminck, Camoin, Derain ou Marquet s’en éloignent tout comme leur peinture s’éloigne sensiblement du fauvisme, Matisse fait du décoratif le sens et l’aboutissement de son art tandis que Rouault, élève choyé de Gustave Moreau, se pénètre du vitrail pour exécuter ses toiles. Néanmoins Derain et Marquet pratiqueront respectivement la scénographie et la céramique, où leur sens des formes fauves trouvera un prolongement.
Dufy est toutefois celui qui, au vingtième siècle poussera le plus loin la recherche d’une unité profonde entre les arts « majeurs » et les arts « mineurs ». Dans la lignée d’un François Boucher, auteur de multiples modèles peints pour les Gobelins, Sèvres, les décorations intérieures et même pour l’éventail, et à l’instar du graveur