Mercure
Ni d’Ève ni d’Adam
ROMAN
Albin Michel
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE
Quarante exemplaires sur vergé blanc chiffon, filigrané, de Hollande, dont trente exemplaires numérotés de 1 à 30 et dix exemplaires, hors commerce, numérotés de I à X
© Éditions Albin Michel, 2007
moyen le plus efficace d’apprendre le japonais me parut d’enseigner le français. Au supermarché, je laissai une petite annonce : « Cours particuliers de français, prix intéressant ». Le téléphone sonna le soir même. Rendezvous fut pris pour le lendemain, dans un café d’Omote-Sando. Je ne compris rien à son nom, lui non plus au mien. En raccrochant, je me rendis compte que je ne savais pas à quoi je le reconnaîtrais, lui non plus. Et comme je n’avais pas eu la présence d’esprit de lui demander son numéro, cela n’allait pas s’arranger. « Il me rappellera peut-être pour ce motif », pensai-je. Il ne me rappela pas. La voix m’avait semblé
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jeune. Cela ne m’aiderait pas beaucoup. La jeunesse ne manquait pas à Tokyo, en 1989. À plus forte raison dans ce café d’Omote-Sando, le 26 janvier, vers quinze heures. Je n’étais pas la seule étrangère, loin s’en fallait. Pourtant, il marcha vers moi sans hésiter. – Vous êtes le professeur de français ? – Comment le savez-vous ? Il haussa les épaules. Très raide, il s’assit et se tut. Je compris que j’étais le professeur et que c’était à moi de m’occuper de lui. Je posai des questions et appris qu’il avait vingt ans, qu’il s’appelait Rinri et qu’il étudiait le français à l’université. Il apprit que j’avais vingt et un ans, que je m’appelais Amélie et que j’étudiais le japonais. Il ne comprit pas ma nationalité. J’avais l’habitude. – À partir de maintenant, nous n’avons plus le droit de parler anglais, dis-je. Je conversai en français afin de connaître son niveau : il se révéla consternant. Le plus grave était sa prononciation : si je n’avais pas su que Rinri me parlait français, j’aurais cru avoir