Peut-on tout pardonner ?
« Vous l’avez appris, il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui l’autre aussi. […] Vous l’avez appris, il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu pourras haïr ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faîtes du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent. Vous serez ainsi les fils de votre Père du ciel, qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains même n’en font-ils pas autant ? Si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’en font-ils pas autant ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait ». Mt 5, 38-43-48
Introduction :
Est-il concevable qu’une mère pardonne au bourreau de son enfant le mal qu’il lui a fait en la privant du soleil de sa vie ou que le rescapé du camp de la mort pardonne au nazi son désespoir de survivre à une famille et à un peuple anéantis ? A première vue, il nous semble qu’il y a là quelque chose d’impensable. Nous avons tellement du mal à envisager qu’il soit au pouvoir de l’humaine condition de tout pardonner que la question du pardon met en jeu la pensée dans ce qui est proprement impensable pour elle. Nous nous sentons bien capables de pardonner certaines fautes mais est-ce sans restriction ? On le voit, le problème porte d’abord sur l’amplitude du pardon. N’y a-t-il pas des offenses dont le tranchant est tel qu’il annihile la capacité d’effacer la faute et de renouer avec l’autre une relation de confiance ? Autrement dit, n’y a-t-il pas des fautes dont la gravité est telle qu’elles sont proprement impardonnables ? Là est la difficulté. Il s’agit de savoir s’il y a des limites au pardon, s’il faut tracer une frontière entre le