MEURSAULT, UN ANTI-HEROS Même si l’histoire du roman a tendu à proposer au fur et à mesure des personnages de plus en plus banals et de moins en moins exceptionnels, dans ce roman, le personnage principal est particulièrement peu conforme à l’image traditionnelle du héros, ce qui est d’autant plus frappant que l'ensemble du récit est à la première personne. Le Personnage est sans épaisseur, sans relief particulier; il est presque vide, à tout le moins sans personnalité marquée, sans même un prénom qui préciserait son identité. Balzac donnait comme objectif au roman de « concurrencer l’état civil », c'est-à-dire de proposer un personnage très établi, avec une famille et une identité clairement définies. Cela passe d’abord par le nom. Le XXème se plaît à jouer avec cette convention: Faulkner écrit ainsi un roman où plusieurs personnages ont le même nom; le Nouveau Roman cultive aussi cette habitude, réduisant ses personnages, au mieux, à des initiales… La révolution est, ici, moindre mais quand même très symbolique.
Mais là encore, cette impersonnalité n'est qu'une apparence parce que dans le fond, on voit quand même transparaître sa personnalité : cf p.25 où ses jugements de valeur transparaissent. C’est que, en fait, ce n’est pas seulement un parti-pris de Camus de proposer un personnage dont il aurait refusé de montrer la richesse ; il choisit en réalité un personnage qui est réellement comme ça. La dépersonnalisation de Meursault, loin d'être seulement une manœuvre d’écrivain permet de véhiculer le portrait d’un homme qui est réellement ainsi.
Meursault est un homme qui reste relativement neutre vis-à-vis du monde qui l’entoure et de la vie. Homme sans réelles envies, il ne se cache pas de cela et le dit clairement, cf p.33 avec Raymond. Personnage très franc, avec une certaine candeur, il n'est pas provocateur, mais ne voit juste pas l’intérêt de mentir. A propos de l’histoire de Raymond, il dit ainsi qu’il n’en pense rien, mais qu’elle est intéressante.