Pour aller plus avant, rappelons que la méthode n’est pas la recette et qu’il ne faut pas attendre d’une méthodologie de la dissertation qu’elle se substitue à l’effort consistant à repenser à neuf le sujet proposé. On dit avec raison que la recette, a priori, s’apprend, se restitue mécaniquement, bref est répétitive, tandis que la méthode épouse son objet et s’invente avec lui. À chaque sujet de dissertation sa propre méthode de résolution. Alors que la recette s’apprend simplement et constitue un savoir positif, la méthode nous demande au contraire de désapprendre et constitue un savoir négatif. L’exercice du jugement, que cultive la dissertation, consiste ainsi non pas à apprendre, mais plutôt à désapprendre, ce qui n’est pas une démarche naturelle. Rappelons que Socrate, qui a initié la méthode d’investigation philosophique, s’est heurté à des murs dans la société qui était la sienne et l’a payé de sa vie. Désapprendre, c’est interroger les préjugés dont nous étions inévitablement porteurs sur un sujet avant qu’il nous soit posé, et que le libellé, dans sa singularité, vient justement prendre à revers. Un sujet de dissertation ne peut ainsi, lorsqu’on le découvre, que provoquer en chacun de nous l’étonnement. C’est qu’il vient déstabiliser nos certitudes, les pseudo-évidences avec lesquelles nous vivons et qui nous tiennent habituellement lieu de savoir. Tout d’un coup, un sujet vient nous dire : regardez-y de plus près, vous verrez que ce sur quoi on vous demande de réfléchir ne va pas autant de soi que vous le croyiez jusque-là et s’avère problématique.
Mon propos s’inscrit dans le droit fil de celui que tenait Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, Pocket, p. 52-53 : « Là (en classe de philosophie à la Sorbonne, jusqu’à l’agrégation), j’ai commencé à apprendre que tout problème, grave ou futile, peut être liquidé par l’application d’une méthode, toujours identique, qui consiste à opposer deux vues traditionnelles de la question ; à introduire la