Rousseau, Du contrat social
La tâche principale du souverain d’après Rousseau est de décider des règles sous lesquelles il veut vivre, c’est-à-dire de voter les lois14. Comment la mener à bien ? Tout citoyen qui fait partie du souverain doit se renseigner sur le critère qui lui permet d’accepter ou de refuser une loi. C’est le sens de la question liminaire de Rousseau : y a-t-il dans l’ordre civil une « règle d’administration légitime et sûre » sur laquelle on puisse s’appuyer pour voter les lois ? (début du livre I). Avançons quelque peu dans la lecture du texte : Rousseau constate en CS, I, I que, quoique l’homme soit naturellement libre, « partout il est dans les fers », c’est-à-dire qu’on observe partout des hommes soumis à un pouvoir qui nie cette liberté naturelle : monarchie absolue, despotisme, confiscation du pouvoir par une minorité, etc. Mais au lieu de réclamer un retour à l’anarchie qui n’est ni possible ni désirable, Rousseau veut savoir si le pouvoir politique existant peut devenir juste, acceptable, non seulement légal, c’est-à-dire conforme aux lois, mais légitime, c’est-à-dire tel que l’on puisse reconnaître raisonnablement sa nécessité et sa pertinence. Rousseau veut donc répondre à la question : Qu’est-ce qui peut rendre un pouvoir politique légitime ? (CS, I, I). Il ne cherche pas la solution pratique qui permet d’y parvenir, mais il se demande : Quelle est la condition à observer pour que le pouvoir soit légitime ?, ou bien : À quoi reconnaît-on un pouvoir légitime ? Sa recherche est donc purement théorique.
Or, que chercher pour trouver la réponse, sur quoi se fonder ? Suffit-il de consulter ses lumières naturelles ? On a pu reprocher au Contrat social de n’être qu’une belle construction de l’esprit, un vœu pieu ou bien un rêve, quand ce n’était pas une utopie qui pouvait tourner au cauchemar totalitaire. C’est bien en tant qu’il énonce ses thèses de façon abstraite, détaché des cas particuliers auxquels ils