Souvenirs de de musset
J'espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir En osant te revoir, place à jamais sacrée, O la plus chère tombe et la plus ignorée Où dorme un souvenir !
Que redoutiez-vous donc de cette solitude, Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main, Alors qu'une si douce et si vieille habitude Me montrait ce chemin ?
Les voilà ces coteaux, ces bruyères fleuries, Et ces pas argentins sur le sable muet, Ces sentiers amoureux remplis de causeries, Où son bras m'enlaçait.
Les voilà ces sapins à la sombre verdure, Cette gorge profonde aux nonchalants détours, Ces sauvages amis, dont l'antique murmure A bercé mes beaux jours.
Les voilà ces buissons, où toute ma jeunesse Comme un essaim d'oiseaux chante au bruit de mes pas. Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse, Ne m'attendiez-vous pas ?
Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères, Ces larmes que soulève un coeur encor blessé ! Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières Ce voile du passé !
Je ne viens point jeter un regret inutile Dans l'écho de ces bois témoins de mon bonheur. Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille, Et fier aussi mon coeur.
Que celui-là se livre à des plaintes amères, Qui s'agenouille et prie au tombeau d'un ami. Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières Ne poussent point ici.
Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages ; Ton regard tremble encor, belle reine des nuits, Mais du sombre horizon déjà tu te dégages Et tu t'épanouis.
Ainsi de cette terre, humide encore de pluie, Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour ; Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie Sort mon ancien amour.
Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ? Tout ce qui m'a fait vieux est bien loin maintenant Et rien qu'en regardant cette vallée amie Je redeviens enfant.
O puissance du temps ! ô légères années ! Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées Vous ne