Comme Louise fit Bang

Quand Louise commença à pénetrer dans la forêt, précédée par trois autre adolescents dont un brun presque beau, le meneur si l'on veut, et suivie de quatre autre, elle se demanda si elle devait avoir peur ou pas, et si elle avait peur ou pas. La nuit était tombée depuis un moment, mais la pénombre ne l'inquiètait pas.
Dans son sac, pesait lourd le revolver de son père. Comme dans les sacs des autres, d'ailleurs, la petite troupe des huit jeunes était empesée de revolvers qu'ils avaient volé à leurs parents. Ils étaient un peu fous, ces huit gamins, mais on pouvait accorder à leur inconscience leur jeunesse, le plus jeune avait quatorze ans, et le plus vieux seize. C'était Presque-Beau-Le-Meneur le qui avait seize ans, comme Louise, et il fut le premier à s'arrêter, au milieu d'une espèce de clairière.
"C'est ici" dit-il, sans plus de précisions.
"C'est désert" constata une petite grosse qu'on appellera Petite-Grosse.
"Tu préfèrerais que ce soit en plein milieu de Central Park?" demanda Presque-Beau, sarcastique. "Ou même sur Broadway, tant qu'on y est."
"Calme toi" dit un mec à la chemise noire à Presque-Beau.
"Oui, oui."
Chemise-Noire et Presque-Beau semblaient amis. Peut-être même qu'ils avaient eu ensemble l'idée du projet. En tout cas ils avaient l'air complice.
"Tout le monde à ce qu'il faut ?" demanda Presque-Beau en sortant de son sac en bandoulière son arme, suivi par Chemise-Noire et un asiatique trop grand pour ses quatorze ans.
Tous les gamins sortirent leurs armes : Trop-Grand, Rousse-Mais-Laide, Petite-Grosse, Borgne-Boris à qui il manquait un oeil, Vierge-Marie qui, sur le chemin, avait expliqué à Rousse-Mais-Laide que jamais elle n'aurait de rapport sexuel parce qu'aucun homme ne voulait d'elle.
"Tout le monde est prêt ?" demanda Presque-Beau, très leader dans son attitude.
Une vague de "Oui" souleva le silence de la petite clairière.
"Non, attend !" Vierge-Marie avait la main qui tremblotait. "J'ai un peu peur."