De l’École normale à l’IUFM et au-delà par Yves Chevallard Professeur des universités à IUFM de l’académie d’Aix-Marseille On peut tenter de dire une institution par le truchement d’une chronique particulariste qui en énonce les temps et les lieux, les hommes et les femmes. La loi Guizot du 28 juin 1833 sur l’organisation de l’instruction primaire stipulait dans son article 11 : « Tout département sera tenu d’entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs départements voisins. » La chronique locale nous dit, en écho, qu’une école normale s’ouvre ainsi à Aix-en-Provence le 1er octobre 1837. Non pas à Marseille, donc, mais à Aix, « sous les yeux du recteur ». Qui connaît par le menu la chronique la plus récente sait que les choses n’ont, à cet égard, pas changé ! La loi Guizot négligeait la scolarisation des filles : ce n’est qu’en 1879, le 9 août, qu’est voté, sur la proposition de Paul Bert, alors président de la Commission de l’enseignement public à l’Assemblée, une loi faisant obligation aux départements de créer une école normale de jeunes filles avant trois ans. Il existe à cette date vingt-deux écoles normales de filles : la cinquième, dans l’ordre chronologique, avait été ouverte à Aix, encore, dès avril 1844. Le chroniqueur localier décline ainsi le détail coloré, parfois piquant, d’une histoire globale – celle des écoles normales puis des IUFM – qui jamais ne l’explique entièrement. Le genre ne manque pas de charme. Mais le détail ne peut être entendu si l’on méconnaît les lignes de force d’une histoire presque violente, où triomphe l’ambivalence des sentiments, aussi éloignée qu’on peut l’être de la vision pastorale, apaisée d’une montée progressive vers la lumière. Si leur tracé à évolué, la nature de ces lignes de force n’a guère changé depuis trois siècles. Qu’est-ce que vivre et travailler en une école normale hier, en un IUFM aujourd’hui ? Que peut-on y faire, et sous quelles contraintes ? Que peuvent