Cass. civ., 28 janvier 1954, grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 19
1. Une admirable controverse. - La « plasticité » de la personnalité morale et la variété des personnes morales ont toujours suscité la curiosité des juristes. Surtout à la fin du XIXe siècle où apparurent en France et en Allemagne de remarquables travaux : une des plus belles controverses que le droit ait connues, qui mettait en cause des questions fondamentales : les notions de personnes et de patrimoine et les rôles de l'État, de la volonté et des intérêts dans l'activité juridique. L'ampleur du débat s'expliquait peut-être par la vivacité qu'avait prise alors le conflit entre l'Église et l'État (la question des congrégations, celle de l'école et la séparation de l'Église et de l'État) ; peut-être aussi, mais moins conciemment, par le rapide développement des sociétés commerciales, instrument d'élection du capitalisme moderne. Les auteurs avaient proposé de nombreuses analyses, dont on dit aujourd'hui qu'elles avaient plus un aspect philosophique qu'un intérêt pratique, ce qui dans le milieu juridique contemporain n'est pas un compliment.
De nos jours, la controverse n'attire plus guère l'attention : on s'intéresse beaucoup plus aux questions concrètes que soulève la vie des personnes morales.
2. Une dialectique incessante. - En simplifiant la discussion, elle se résume en une opposition entre les théories qui nient la réalité des personnes morales et celles qui l'affirment. Cette opposition est traditionnelle (I), mais les doctrines modernes l'ont affinée (II). Elle obéit à un mouvement dialectique : de la simple description à la fiction, de la fiction à la réalité, de la réalité au patrimoine d'affectation, du patrimoine d'affectation à la réalité technique. Le mouvement pendulaire va sans cesse de la thèse à l'antithèse, suivi de l'antithèse à la thèse, sans jamais trouver la synthèse, sauf celle de la lassitude.
I. OPPOSITION TRADITIONNELLE :
3. Au début du XIXe siècle,