Commentaire de l’arrêt ce 2 novembre 2005, société coopérative agricole ax’ion
« La loi est un acte de souveraineté et le principe de la souveraineté est de s'appliquer à tous sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune compensation » déclara Edouard Laferrière pour illustrer l’exclusion initialement consacrée par le Conseil d’Etat de toute responsabilité de l’Etat dans l’exercice de sa fonction législative (Duchâtelet, CE 11 janvier 1838). Ce n’est qu’avec l’arrêt Lafleurette (CE 14 janvier 1938), que la haute juridiction administrative admis que le préjudice causé par un dispositif législatif puisse être réparé par la puissance publique dans le cas où une telle indemnisation n’a pas été prévue par la loi elle-même. Pour ce faire, le Conseil d’Etat, selon le président Rougevin-Baville, développa quatre critères d’engagement de la responsabilité sans faute des personnes publiques grâce à une analyse fondée sur la volonté hypothétique du législateur ainsi que sur la nature du dommage.
Dans l’arrêt Société coopérative agricole Ax’ion, rendu le 2 novembre 2005, le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’apporter de nouvelles précisions quant à l’un de ces critères d’engagement de la responsabilité de l’administration du fait des lois, dans l’hypothèse où il est impossible de dégager la volonté du législateur sur une éventuelle indemnisation de l’administré lésé par une loi. L’intérêt d’une telle précision est grand puisque traditionnellement, la responsabilité de l’Etat législateur n’est admise que si le texte même de la loi et ses travaux préparatoires ne permettent pas de penser que le législateur a entendu exclure tout indemnisation.
En l’espèce, un décret du 16 avril 1999 pris par le Premier Ministre, dans l’exercice de son pouvoir de police spéciale des installations classées qu’il détient en vertu d’une loi du 19 juillet 1976, a ordonné la suppression des silos de stockage de céréales et des ouvrages de combustion exploités par la Coopérative agricole du Soissonais,