Communication soignant soigné
On passait près des caisses du supermarché, Bagdasarian et moi, quand un type a malencontreusement lâché son sac devant nous. La bouteille qui se trouvait dedans s’est brisée avec un tintement caractéristique. L’homme a proféré un juron. Il a ouvert le sac pour y récupérer deux paquets de spaghettis, un tube de dentifrice et une boîte de conserve longue et plate, des maquereaux au vin blanc, peut-être bien. Il a fourré ces denrées dans les poches de son manteau. Puis, il a soulevé le sac crevé pour aller le jeter dans une poubelle. Coup de bol, le plastique n’était pas complètement éventré. Du coup, les débris de la bouteille sont restés à l’intérieur. Un liquide doré coulait par les fentes. Ca ressemblait à de la bière ou à du jus de pomme, en plus visqueux. Le type s’est engouffré dans la porte tournante et a disparu sur le parking, sans même prendre la peine de prévenir quelqu’un à l’accueil. Pas gêné celui-là ! On allait sortir pour récupérer nos vélos quand une dame a marché sur la flaque par inadvertance. Elle a glissé dessus comme sur une savonnette mouillée. J’ai bien cru qu’elle se prenait un râteau. Mais non, elle a réussi à se rétablir. Elle a jeté un coup d’œil perplexe au sol, puis à ses semelles de chaussures, avant de poursuivre son chemin comme si de rien n’était. Intrigués, on s’est approchés de cette flaque mystérieuse qui semblait déraper méchamment. L’odeur caractéristique de l’huile d’olive nous est montée aux narines. Je déteste cette odeur...
- C’est de l’huile ! a dit Bagda. Il faut prévenir les femmes de ménage. Sinon, il va y avoir des morts.
- Tout de suite les grands mots ! C’est l’occasion de se marrer un coup, non ? Viens, on va aller s’asseoir sur le banc, là-bas. On aura un point de vue imprenable ...
Eric BOISSET,La flaque