Contractualisatin d'une societé
Résumé : L'idée s'est affirmée en occident depuis deux siècles que le contrat serait l'aboutissement indépassable d'un progrès historique arrachant l'Homme aux sujétions des statuts pour le faire accéder à la liberté. Un mouvement irrésistible nous conduirait à un monde où chaque individu ne portera pas d'autres chaînes que celles qu'il se fixe à lui-même.
Mais le contrat n'est pas cet universel abstrait qu'on se plaît à imaginer : sa signification varie selon les cultures, les époques, et les contextes juridiques. Le contrat n'est pas davantage cette pure relation binaire entre personnes égales, à quoi on croit pouvoir le réduire : il implique une foi commune en un Garant des pactes.
Dès lors la contractualisation de la société ne signifie certainement pas une libération totale des individus. Elle est plutôt le symptôme du déclin des États et d'une "reféodalisation" du lien social.
Conférence du 22 février 2000, cnam université de tous les savoirs
Texte du conférencier
La contractualisation de la société
Alain Supiot
Ce texte est la propriété de l'Université de tous les savoirs, son utilisation est personnelle. Toute utilisation frauduleuse, notamment à des fins lucratives, sera poursuivie.
Ce texte résume des analyses développées par ailleurs dans divers articles et surtout dans une contribution à l'ouvrage collectif "La relativité du contrat", à paraître en 2000 aux éditions LGDJ dans la série des travaux de l'Association Henri Capitant.
Pourquoi dois-je écrire ce texte ? Personne ne m'y a contraint. J'y suis pourtant obligé, tenu par une parole, par un "oui", qui m'a malencontreusement échappé il y a quelques mois, et me lie maintenant comme un âne à son piquet. Cette image champêtre me vient d'un vieil adage retraduit du droit romain au XVIIème siècle : "On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles". Voilà qui nous en dit long sur l'Homme et la société, et sur ce