Dialogue du chapon et de la poularde (1763)
I - Les moyens pour révéler l’ineptie du genre humain, des institutions religieuses et de leurs lois Sous la forme d’un dialogue, l’écrivain met en scène deux interlocuteurs polémistes qui lèvent le voile sur toutes les absurdités qui entourent le comportement des hommes entre eux, mais aussi avec les autres vivants avec qui ils partagent le globe. Pour commencer, les hommes sont décrits comme une espèce « abominable » et « sanguinaire » : relevons bien le champ lexical qui leur est cédé : celui de la barbarie et de la sauvagerie (« animaux », « sang », « chair », « mort », « crime », « monstres », « barbare », « victimes », « dévorent », « abominable », « sanguinaire »). La poularde en est si convaincue qu’elle parle des « hommes » simplement comme d’« autres animaux » ; une manière, qui se veut visiblement fortuite, de rabaisser les hommes de leur rang d’espèce dominante. Le chapon va encore plus loin : il parle de « monstres » en parlant des hommes (métaphore) et les considère comme ses « éternels ennemis ». Ses propos entre les lignes 82 et 87, montrent la barbarie des lois humaines : « cette loi […] est très barbare ; elle ordonne que ces jours-là on mangera les habitants des eaux : ils vont chercher des victimes au fond des mers et des rivières ». Il ajoute ensuite qu’en plus d’être l’espèce la plus « abominable » et la plus « sanguinaire », l’espèce humaine est la plus « ridicule » et la plus « extravagante » pour plusieurs raisons. La première est que les hommes sont en constante « contradiction » : « Plus on voit ce monde, et plus on le voit plein de contradictions et d'inconséquences » écrivait Voltaire. Cette contradiction, on la retrouve aussi bien entre eux (« Il y a longtemps qu’on leur reproche qu’ils ne sont d’accord en rien ») que dans leurs comportements (« Ils ne font des lois que pour les violer et, ce qu’il y a de pis, c’est qu’ils les violent en conscience », « ils trouvent bien moyen d’éluder la loi »).