Diriger avec la complexité
Concept très prisé dans les milieux intellectuels, la complexité suscite beaucoup moins d’enthousiasme parmi les dirigeants. Et pour cause. La fonction d’un dirigeant étant de prendre des décisions, souvent dans l’urgence et sur la base d’informations partielles plus ou moins fiables, il lui est intellectuellement plus confortable de réduire son attention à un petit nombre de variables et de faire l’hypothèse de relations simples entre causes et effets.
Lorsqu’un dirigeant confie un problème à un collaborateur ou un consultant, il en attend une représentation simple du problème et une préconisation toute aussi simple à expliquer et à mettre en œuvre.
Si la grande majorité des dirigeants d’entreprises accomplissent leur mission sur la base d’une représentation simple du monde et sans faire le détour par la complexité, pourquoi devraient-ils alors s’en préoccuper ? La réponse à la question est, en fait, assez facile. Ignorer la complexité a toujours un coût mais celui-ci ne se manifeste que postérieurement à la décision, dans un délai plus ou moins long. En outre, le coût caché de la complexité n’est pas toujours supporté par l’agent qui a pris une décision.
Penchons-nous, pour illustrer le propos, sur le contexte classique d’un plan de restructuration. Le dirigeant de l’entreprise suppose une relation simple et linéaire entre réduction des dépenses, donc d’effectifs, et amélioration de la rentabilité de l’activité. L’annonce de la restructuration, si l’entreprise est cotée, est immédiatement saluée en bourse et le dirigeant en retire des bénéfices d’image. Quelques semaines ou mois plus tard, cependant, la mise en œuvre du plan de restructuration soulève des questions inattendues. Les ouvriers et leurs représentants occupent l’usine et séquestrent des cadres dirigeants. La fermeture de l’usine met en faillite les commerçants et autres prestataires de service du territoire. Le plan de départs