Dissertation - les hommes ont-ils besoin d'un maître
Avant de désigner plus spécifiquement la personne du maître d’école, la notion latine de magistrum (maîtrise), qui dérive de l’adjectif magnus (grand), recouvre, de manière générale, tout homme qui dispose d’une quelconque supériorité vis-à-vis de ses semblables ¾ tout homme « plus grand » qu’un autre. On confondra ici d‘entrée de jeu la figure du dominus et celle du magister, pourtant nominalement distinctes, afin de saisir une telle notion dans sa cohérence. Si l’on prend cette définition à un premier niveau, on envisage la maîtrise comme une qualité im-médiate, qui autorise chacun à se donner autant de droit sur ses semblables qu’il dispose de force. Ainsi en est-il dans cette zone d‘indécision entre le droit et la force que constituent les sociétés tribales : c’est celui-là même qui dispose de la « plus grande » force physique qui peut se réclamer comme mâle dominant. Plus largement, on peut retenir ceci : tous les hommes disposent de qualités physiques, tant corporelles qu‘intellectuelles. Ils en sont inégalement pourvus, qualitativement et quantitativement, en quoi certains hommes peuvent être dits, relativement à chacune de ces qualités singulières, « supérieurs » à d’autres. Si l’on s’en tient cependant à cette première idée, il parait absurde de se demander si les hommes ont véritablement besoin de maîtres : pourquoi en effet poser autrement qu’en termes factuels la question de la maîtrise dès lors que celle-ci est perçue comme une nécessité de la nature qui ne dépendrait en rien de l’autorité de l’homme, d’une politeia ? Pourtant poser la question du besoin de maîtres, ce n’est pas poser celle de leur nécessité. On ne peut rabattre si simplement le concept de « besoin » sur celui de nécessité, puisque ce dernier implique une stricte satisfaction (nec esse, ce qui ne peut pas ne pas être) tandis qu’un besoin peut très bien demeurer insatisfait, et que, bien plus, il suppose un manque initial de son objet. C’est