Droit & justice
Paul Ricoeur faisait remarquer que le sens de la justice (et peut-être d’abord de l’injustice) est enraciné dans notre expérience d’enfant : tous, nous nous sommes indignés, étant enfants, devant des rétributions disproportionnées de la part des adultes ( éloges, punitions ), devant des promesses trahies, des partages inégaux ( le gâteau inégalement partagé entre frères et sœurs. L’idée de juste, pour l’adulte, poursuit-il, se manifeste à 3 points de vue différents : • le souhait de vivre bien avec et pour les autres dans des institutions justes (plan téléologique où le juste est un aspect du bon, mais relatif aux autres) • la capacité d’agir avec et sur les autres en évitant au maximum d’infliger à autrui ou de subir de sa part des torts (plan déontologique où le juste est le légal qui définit les obligations et les interdits pour chacun) • Enfin, si tort il y a eu, la possibilité de recourir à une procédure qui répare le tort, sanctionne le contrevenant (plan de la sagesse pratique où s’exerce le jugement du juge en son tribunal et où le juste est l’équitable).
Le souci, l’exigence de justice traverse donc la vie humaine de la naissance à la mort, de la vie privée à la vie publique ; elle est un des éléments essentiels de la vie sociale, de la vie au milieu des autres hommes (ce que Hannah Arendt appelait l’interesse du latin être au milieu de). Or, en occident, pour rendre possible cette vie en société, les hommes n’ont rien trouvé de mieux que de se doter de règles communes, instituées par eux, en vue de concilier au mieux les intérêts particuliers des individus et l’intérêt commun de tous, d’assurer la coexistence des libertés (comme disait Kant ) et de faire pièce autant que possible à la violence, de la juguler : ces règles sont les règles du droit. N.B. dans les civilisations traditionnelles de la Chine ou du Japon, on méprise le droit tenu pour vulgaire et inutile et signe de décadence, dans une