Est-ce dans la solitude qu'on prend conscience de soi ?
1. Détermination du problème
1.1. Définitions
La « conscience de soi » fait partie des concepts propres à la philosophie. On était donc en droit d’attendre des candidats qu’ils la définissent correctement – par exemple : « acte cognitif par lequel un sujet se saisit lui-même. » Il s’agit à proprement parler d’une « aperception », terme introduit dans le cours en classe, mais que seul Thibaut sut rappeler (ce qui lui a valu un autocollant).
Hélas, cette première notion occasionne des inexactitudes qui ensuite vicient les développements. Ainsi treize copies confondent-elles, souvent dès les premières lignes, « conscience de soi » et « connaissance de ses traits de caractère » (ou, pis, « connaissance de son inconscient »). Comme on va le voir, cette confusion était dans un sens légitime, et peut-être même inévitable ; mais elle méritait une présentation très minutieuse et appelait une distinction conceptuelle lumineuse en III, ce que la plupart des copies s’avéra incapable de fournir. Des élèves de S, pourtant, devraient bien saisir la différence entre conscience et connaissance : je puis avoir conscience de l’existence de telle planète extrasolaire sans pourtant rien connaître de sa composition chimique ou de son activité géothermique.
Deux copies identifiaient, quant à elles, la conscience de soi et la preuve de sa propre existence ; si la seconde est bien déduite de la première dans l’analyse cartésienne, ces deux notions ne se confondent pas : pour preuve, la formulation même retenue par Descartes : « Je pense, donc je suis. » Une autre copie distinguait explicitement conscience de soi et preuve de notre existence, mais confondait ensuite conscience de soi et sentiment de vivre. Là encore, comme on le verra ci-après, cette confusion était dans un sens légitime, à condition d’une présentation minutieuse et d’un III éclairant. Une autre copie assimilait la conscience de soi à l’analyse correcte