Est-il vrai qu’il n’y a pas de bonheur intelligent ?
1
Est-il vrai qu’il n’y a pas de bonheur intelligent ?
Une opinion répandue veut que le génie soit « tourmenté », que l’intelligence se perde dans des questionnements sans fin sur le sens de la vie, l’existence de Dieu… Inversement, on parlera d’un « imbécile heureux » et la Bible dit : « Qui augmente le savoir augmente la souffrance »1Autrement dit, l’intelligence serait incompatible avec le bonheur, idée que reprend le biologiste Jean Rostand en affirmant qu’ « il n’y a pas de bonheur intelligent ». Mais qu’en est-il réellement ? Le bonheur est couramment défini comme un état durable de satisfaction de l’ensemble des aspirations humaines. L’intelligence, quant à elle, peut avoir deux significations. D’une part, on peut l’opposer à l’instinct. « L’homme, disait Aristote, est un animal raisonnable ». En ce sens donc, tous les hommes sont doués d’intelligence dans la mesure où ils pensent leurs actions avant de les accomplir ; le comportement animal, au contraire, obéit à des instincts, c’est-à-dire à des schémas définis qui ne font pas intervenir la volonté consciente. D’autre part, l’intelligence peut être opposée à la bêtise . De ce point de vue, certains hommes sont plus intelligents que d’autres ; ils possèdent à un degré éminent cette faculté spécifiquement humaine. Quant à la bêtise, comme l’indique l’origine même du terme, elle constituerait une sorte d’analogue humain – dont le sens serait à préciser - de l’animalité et de l’instinct. Dans le premier sens de la notion d’intelligence, affirmer qu’il n’y a pas de bonheur intelligent reviendrait donc à dire que tout bonheur est instinctif et animal, que l’homme en tant que tel ne peut être heureux. Pourtant, cela semble contredire à la fois l’expérience (nous constatons qu’il y a des hommes heureux ou du moins des hommes plus heureux que d’autres) et la définition générale du bonheur comme satisfaction des aspirations humaines puisqu’on peut penser