Eugénie grandit
Eugénie Grandet semble écrit à l’intention du lecteur parisien tant nombreuses sont les pages qui décrivent la physionomie des personnages « pittoresques », avec leurs coutumes étranges ; les paysages et les maisons longuement détaillés. Avec un souci de dépaysement géographique et social, presque temporel comme le ressent Charles Grandet dans la maison de son oncle. Le thème de la province dans ce roman occupe une place importante. Balzac nous découvre la vie privée de cet espace encore mal exploré par la littérature. Il nous dit qu’en province toute ville a son mystère, toute maison a ses particularités, toute vie privée a sa couleur. C’est à elle seule un pays : un territoire clos à déchiffrer sous le prisme de son histoire. Le personnage Grandet, acheteur de biens nationaux, résume trente ans de l’histoire de la Touraine. La Révolution de 1789 a laissé ses marques, notamment ces fortunes constituées, consolidées que plus personne ne conteste. Balzac peut dès lors affirmer que toute province a son histoire, toute ville a son passé, toute carrière a son résultat. Ici, en l’occurrence, le résultat est l’or. Balzac explique les mécanismes de la constitution des fortunes et nous avertit que si l’argent peut tout, il peut aussi tout détruire. Car l’argent ne peut rien contre les sentiments. Félix Grandet est le premier des grands monomanes balzaciens. Balzac lui donne une forme, un aspect, un destin. L’idée fixe du père Grandet broie tout, étouffe toute pensée qui pousse auprès d’elle. Ainsi Eugénie, la fille sacrifiée, et sa mère, muette.
Mais le temps, aussi, par sa lenteur, détruit. Cependant, dans l’histoire racontée, un autre investissement vient s’opposer à l’effrayante folie de Grandet : celui de l’amour, aussi absolu que celui du père pour l’argent.
En un sens, Eugénie est aussi une