Foucault l'ordre du discours
Leçon inaugurale au Collège de France, donnée le 2 décembre 1970. Foucault a réintégré dans le texte publié des passages omis à l'oral, à cause du temps imparti. -- Voir aussi la Préface à l'édition anglaise, in The Order of Things, Londres, Tavistock, 1970, ix-xiv; DE II, 7-13.
Hypothèse directrice: toute société cherche à contrôler la production du discours
Le début du texte est caractéristique de ce qu'était Foucault. Le voici qui se trouve dans la situation de livrer, à l'occasion de son élection dans l'établissement universitaire le plus prestigieux qui existe, un "discours" - au sens de discours officiel - au sujet de la signification de son œuvre. Or que dit-il? Il dit quelque chose comme ceci: "me voici ici devant vous, et l'institution me convie à parler, elle me rassure, me dit que je n'ai pas à craindre de commencer, que tous vous êtes là pour me montrer que le discours est dans l'ordre des lois, qu'une place lui a été faire, etc (cf. p. 9)….Mais moi j'ai peur de commencer. Moi j'ai peur de "prendre la parole" (p. 7). Moi je voudrais avoir quelqu'un qui parle derrière moi, une voix qui dirait "il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer…" (citation de Beckett, L'innommable). Moi je voudrais que le discours m'enveloppe, qu'il soit tout autour de moi (p. 7). Et je voudrais qu'il soit "comme une transparence calme, profonde, indéfiniment ouverte, où les autres répondraient à mon attente, et d'où les vérités, une à une, se lèveraient"…(p. 9). Mais le discours n'est jamais ainsi. Il a une réalité matérielle qui nous échappe; il est en lui-même une activité qui recèle des pouvoirs et des dangers que nous devinons sans les saisir; il est le lieu de luttes, de victoires, de blessures, de dominations, de servitudes…Et c'est pourquoi il suscite notre inquiétude.
Au lieu de "jouer le jeu" qui lui est proposé, Foucault renverse ainsi magistralement le dessous