Les choses de la nature se contentent d'être, elles sont simples, ne sont qu'une fois, mais l'homme, en tant que conscience, se dédouble: il est une fois, mais il est pour lui même. Il chasse devant lui ce qu'il est; il se contemple, se représente lui même[...] Cette conscience de lui même, l'homme l'acquiert de deux manières: théoriquement, en prenant conscience de ce qu'il est intérieurement, de tous les mouvements de son âme, de toutes les nuances de ses sentiments, en cherchant à se représenter à lui même, tel qu'il se découvre par la pensée, et à se reconnaître dans cette représentation qu'il offre à ses propres yeux. Mais l'homme est également engagé dans des rapports pratiques avec le monde extérieur, et de ces rapports naît également le besoin de transformer ce monde, comme lui même, dans la mesure où il en fait partie, en lui imprimant son cachet personnel. Et il le fait pour encore se reconnaître lui même dans la forme des choses, pour jouir de lui même comme d'une réalité extérieure. On saisit déjà cette tendance dans les premières impulsions de l'enfant: il veut voir des choses dont il soit lui même l'auteur, et s'il lance des pierres dans l'eau, c'est pour voir ces cercles qui se forment et qui sont son oeuvre dans laquelle il retrouve comme un reflet de lui même. Ceci s'observe [...] jusqu'à cette sorte de reproduction de soi qu'est une oeuvre d'art"
Hegel, Leçons