Jean Sartre
Eléments pour une pragmatique topique
Troisième partie : POUR UNE THÉORIE SÉMANTIQUE DU SENS COMMUN
1. Différences spécifiques du statut du sens commun en philosophie et en linguistique
1.1. D'une définition à l'autre
La prise en vue de la problématique philosophique du sens commun en a montré les multiples déterminations. Parler du sens commun, c'est faire référence à un concept surdéterminé. L'histoire de la philosophie n'a cessé d'en faire des usages multiples, souvent contradictoires, d'en spécifier de manière chaque fois exclusive la signification. Au terme de ce survol, un bilan terminologique permet d'établir son caractère éminemment polysémique. On peut reconnaître au concept de sens commun (noté SC) les acceptions suivantes :
1. SC = faculté sensible (de synthèse perceptive -Aristote)
2. SC = opinion vulgaire (opposée au bon sens -Descartes)
3. SC = rationalité commune (origine du consensus omnium, pour un même groupe ou pour l'espèce humaine considérée dans son ensemble -T. Reid)
4. SC = manières de parler du langage courant (acception qui rejoint souvent la problématique sociolinguistique de l'idéologie -Gramsci)
5. SC = savoir sur soi, le monde, les autres (G.-E. Moore; L. Wittgenstein)
On pourrait ajouter à cette liste une septième acception (dans la mesure où elle concerne une dimension du sens commun soumise à la critique) :
6. SC = illusion descriptive et vériconditionnaliste, déterminée par la conception logiciste qui structure les conceptions courantes du langage.
Mais de manière très exacte, il est possible de ramener à trois grands mouvements les caractérisation philosophiques successives du sens commun.
1.2. Valeur des trois moments philosophiques pour une étude linguistique du sens commun
Le mouvement de réflexion philosophique sur le sens commun fait apparaître trois moments différenciés. C'est à cet endroit que l'idée d'une problématique