Laïcité, espace public, espace privé
Rappelons la différence relevée par Jonathan Laurence (Boston College) entre le modèle de laïcité américain (Freedom of religion - liberté de religion), régime tolérant vis-à-vis des religions et protecteur des églises et le modèle de laïcité français (Freedom from religion – se libérer de la religion), qui assure la liberté de conscience et la liberté de culte en même temps qu'il protège l'Etat du religieux.
La laïcité est la base permettant d’établir les règles du vivre ensemble. Elle assure à chaque citoyen la totale liberté en matière philosophique et religieuse, fixe les règles de l’exercice de cette liberté et établit une frontière entre des espaces distincts:
L’espace privé, dans lequel, sous réserve du respect de la loi générale, le citoyen exerce son droit à toutes les libertés qui lui sont garanties.
L’espace public, périmètre dans lequel l'Etat exerce son action, où il est astreint à l'absolue neutralité vis-à-vis des convictions religieuses. Le principe de laïcité concerne donc l’espace de la puissance publique et de ce qui participe de celle-ci; il a pour fin et pour effet la tolérance au sein de la société civile. Face à la puissance publique, cette société civile jouit, au nom des libertés publiques, de la plus grande liberté en matière de convictions religieuses ou philosophiques. L'Etat ne peut s’opposer à la religion que lorsque celle-ci prétend s'immiscer dans l'espace public tel qu'il a été défini; en revanche, il a le devoir de garantir et de défendre la liberté de croyance. Ainsi que l'a analysé la philosophe Catherine Kintzler, deux dérives en miroir menacent la laïcité:
Le communautarisme, qui veut contraindre l'Etat à fixer des règles qui répondraient aux aspirations d'une seule partie de la société et mettraient la loi en conformité avec des exigences d'ordre religieux ou philosophique;