Le bonheur
Durée : 1 heure
Texte
J’avais neuf ans et j’étais l’élève de mon père… ce soir-là, mon père nous avait donné comme sujet de composition français à faire à la maison : « Dites quelle carrière que vous aimeriez embrasser et pourquoi ? ». J’étendis sur la table de cuisine une double pages de journal, déballai minutieusement mon attirail d’écolier et me mis à rêvasser .
Mais ma mère était remontée de l’école et il fallut examiner sérieusement quelle carrière je voulais embrasser. D’ailleurs le sens de cette expression m’échappait totalement. Pour moi, une carrière était un grand trou taillé dans une colline.
Ne suce donc pas ton porte plume, dit ma mère, tu vois bien que tu avale la peinture, et après tu t’étonneras si tu avais des boutons !
Tout en préparant le repas du soir, ma mère se penchait sur mon travail. Alors, tu n’as pas encore rien écrit ! Mais réfléchis donc ! Tu as bien une idée …Voyons quel genre de carrière voudrais-tu avoir ? Une petite ! Ce n’est pas une réponse, ça ! De quel genre la voudrais-tu ? Près de la rivière ! Tu voudrais être pécheur, alors ? Non Alors quel métier voudrais tu avoir ?
J’essayai plusieurs professions. Ma mère trouvait que celle de pâtissier ne convient pas à un fils d’instituteur, que je devais avoir plus d’ambition… Le métier d’explorateur lui paraissait trop scabreux* et d’ailleurs, pourquoi aller chercher si loin ce qu’on peut même, c’est-à-dire un emploi stable, honorable et bien rémunéré*.
Je proposai « chauffeur de locomotive », mais ma mère n’était pas d’accorde .Il y a des risques d’accidents et trop de linges à laver. Au bout d’une demi-heure, ce fut ma mère qui me fit des propositions..
Que dirais-tu d’être un jour pharmacien ? Tu aurais une grande blouse blanche et un magasin bien propre… Cet avenir ne me plaisait pas…
Avocat ! Tu ne voudrais pas être avocat ? Tu porterais une grande robe noire et tu défendrais les innocents … J’ignorais complètement cette fonction.
Jean L’HOTE, LA