Les employés de la grande distribution: entre le chef et le client
Samuel Julhe (*)
« Merci du sourire et de l’accueil que vous réservez à notre clientèle. » L’analyse in situ des processus de contrôle s’exerçant sur les employés commerciaux dans une grande surface montre que leur activité constitue un cas typique de cumul des contraintes « marchandes » et « industrielles ». Les pratiques managériales sont passées d’un modèle de supervision directe à une standardisation des objectifs, privilégiant l’assignation d’objectifs individuels et collectifs via un mixte d’autocontrôle et de contraintes psychologiques. Les conditions de travail dans le secteur de la grande distribution laissent peu de marges de manœuvre aux employés. Le « client », véritable figure managériale se trouve ainsi instrumentalisé par la direction de l’entreprise pour favoriser l’engagement du personnel et l’intensification du travail. La pratique du client-mystère, l’orientation-client comme slogan, ou encore les prescriptions de la démarche qualité, auraient-elles pour fonction de permettre l’éloignement de la figure prescriptive de la direction en matière d’organisation du travail et de détourner le mécontentement des employés sur un client non individualisé sur lequel on ne peut agir ?
Le secteur de la grande distribution a été souvent décrié par l’opinion publique et la presse pour ses pratiques commerciales (1), ainsi que ses pratiques managériales (PHILONENKO, GUIENNE, 1997). La littérature sociologique évoque généralement le cas emblématique des employés de caisses (BOUFFARTIGUE, PENDARIES, 1994 ; ALONZO, 1998), cependant un hypermarché emploie également du personnel pour assumer les tâches d’administration, de nettoyage, de sécurité, de maintenance technique, d’approvisionnement des rayons, et tous subissent un modèle managérial de plus en plus conforme à celui du « productivisme réactif » (ASKENAZY, 2004). Ce modèle qui combine polyvalence, travail en équipes,