Les précieuses ridicules scène 5
LE HÉROS CORNÉLIEN.
Corneille est considéré un symbole d’hostilité aux puissances de la nature. Les contemporains admirent en lui la fougue, l’élan et la chaleur. L’enthousiasme cornélien baigne tout entier dans l’atmosphère de l’orgueil, de la gloire, de le générosité et du romanesque aristocratiques, telle qu’on la respirait en France pendant le règne de Louis XIII, telle qu’elle remplit toute la littérature de cette époque.
Le sublime cornélien avait déjà quelque chose d’un peu archaïque sous Louis XIV. Le sublime cornélien n’est pas propre à Corneille ; il emplit tout le théâtre tragique de son temps. Les êtres d’exception à l’âme forte et grande peuplent les tragédies de Rotrou, Mairet, Tristan, du Ryer. Le terme de féodal, appliqué à l’inspiration de Corneille, peut, à première vue, sembler anachronique. Mais il n’en est pas d’autre pour désigner ce qui, dans la psychologie des gentilshommes du XVIIème siècle, persiste des vieilles idées d’héroïsme et de bravade, de magnanimité et honnêteté.
L’époque de Corneille est justement, dans les temps modernes, une de celles où les vieux thèmes moraux de l’aristocratie ont revécu avec le plus d’intensité. La morale héroïque des siècles féodaux et la théorie courtoise de l’amour arrivent ainsi modernisées et enrichies jusqu’au temps de Cid. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’inspiration féodale chez Corneille, comme d’une influence à la fois lointaine et vivace. L’amour emphatique des grandeurs et le penchant à se célébrer soi-même marquent à peu près indistinctement tous les caractères de Corneille : à tous la gloire imprime le même air de famille. On cite Nicomède, Rodrigue, Horace qui sont tous les héros de Corneille qu’il faudrait faire comparaitre. Chez les femmes, la gloire réside dans la conquête d’un époux puissant et royal : d’où ces personnages de princesses en proie à une véritable manie du trône, qui emplissent presque toutes les tragédies de Corneille à partir de