Lucrèce,De reru natura I,80-101
Commentaire
Introduction.
Lucrèce répond ici aux attaques dont faisait l’objet l’épicurisme. En démontrant que la crainte d’une intervention divine dans ce monde et du châtiment des âmes après la mort était sans fondement, l’épicurisme heurtait la sensibilité religieuse romaine. Pour rassurer son destinataire, l’aristocrate C. Memmius, Lucrèce va prouver, par un exemple sanglant, que c’est la religion qui dicte à l’homme des conduites criminelles.
I. Le choix argumentatif de Lucrèce.
Le discours, qui est destiné à Memmius, est direct, avec la présence des pronoms de première et de deuxième personne, le présent d’énonciation (« uereor, ne forte rearis… », v.1) et des modalisateurs tels que l’intensif « tantum », l’exclamation, au même vers 22, ou le connecteur d’opposition « Quod contra », au vers 3. Dans ce discours, qui occupe les quatre premiers vers, Lucrèce prévient un argument de Memmius selon lequel l’épicurisme serait impie et donc criminel. On note l’habileté de l’auteur qui se met à la place de son interlocuteur. Dès le vers 1, l’expression « Illud in his rebus », fréquente chez Lucrèce, signale qu’il va prévenir une objection. Il l’emploie aussi pour introduire une réfutation, ou amener le développement d’un point de vue particulier dans un développement d’ordre général. Au vers 4, l’énoncé de la thèse se fait de manière paradoxale : la religion est criminelle. L’épicurisme souffre de l’accusation d’être un crime, mais lorsque Lucrèce en parle, il l’exprime par la voie du lieu commun, comme le souligne ironiquement l’expression « uiam…sceleris » (v.3), ou de l’abstraction (« impia…rationis…elementa », v.4), et il fait dépendre cette accusation d’une pensée mal engagée, laissée dans l’erreur, car « rearis » est au mode du subjonctif ; au contraire, la religion a véritablement enfanté des actes criminels. L’emploi du parfait de l’indicatif et d’un lexique concret, avec « facta » (v.4)