salut Galarneau ! Extrait
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Ce n’est vraiment pas l’après-midi pour essayer d’écrire un livre, je vous le jure, je veux dire : ce n’est pas facile de se concentrer avec la trâlée de clients qui, les uns derrière les autres, se pointent le nez au guichet. Aujourd’hui, ce sont surtout des Américains en vacances, ils viennent visiter la belle province, la différence, l’hospitalité spoken here, ils arrivent par l’Ontario : je dois être leur premier Québécois, leur premier native. Il y en a même – c’est touchant en sacrement ! – qui s’essayent à me parler français. Je les laisse se ridiculiser, je ne les encourage pas, je ne les décourage pas non plus. Je veux dire : que les Américains apprennent le français à l’école et qu’ils viennent tenter de le parler par ici, au mois d’août, c’est leur plus strict droit. C’est toujours bon de vérifier si l’instruction que l’on a reçue peut être utilisable. Pour ma part, celle que j’ai subie ne valait même pas le déplacement à bicyclette. Je l’ai vérifié en cherchant du travail, en regardant autour de moi, en tentant d’être heureux.
Ce n’était pas une question d’intelligence. Je veux dire, je pense que ce n’était pas vraiment une question d’intelligence. Si j’ai abandonné les études, c’est qu’elles ne me disaient plus rien. Elles ne me parlaient plus, elles étaient comme des statues dans une chapelle : le regard fixe, de la poussière sur les épaules, indifférentes à l’écho de mes toussotements discrets. Les livres étaient vides, le tableau noir était gris, ma tête était vide, comme une bouteille de ketsup après trois jours de comptoir. Ce n’était pas mon intelligence qui s’en allait : c’était l’ennui qui venait, s’allongeait, prenait toute la place, comme un gaz réchauffé dans une cornue en laboratoire. J’y mettais tout mon coeur, toutes mes forces, pourtant. Mais sans Jacques ni Arthur, je ne savais que faire.
C’était la première fois que papa permettait que l’on sépare les vampires : Arthur au séminaire de Sainte-Thérèse, Jacques en