Sociologie religion
LE PROFANE ET LE SACRÉ DANS L’EXÉGÈSE DE PHILON D’ALEXANDRIE
Philon d’Alexandrie est un exégète juif de la première moitié du Ier siècle après J.-C. qui nous a laissé une œuvre importante (plus de quarante traités), particulièrement représentative du judaïsme alexandrin et de son ouverture à l’hellénisme : Philon lit en effet la Bible, non en hébreu, mais en grec – la Septante –, il est imprégné de culture grecque, et il rappelle d’ailleurs, dans l’un de ses traités, qu’il a lui-même parcouru le cycle d’études qui constitue la culture, la paideia de l’homme hellénistique1. Ce qui est remarquable, c’est que Philon reste à l’intérieur même de cette culture et de cette langue grecque, dans laquelle ont été exprimés les concepts philosophiques qu’il connaît et dont il se sert, alors pourtant qu’il cherche à exprimer une réalité étrangère à la philosophie : celle de la Révélation. Ce qu’il faut donc chercher à comprendre, en étudiant Philon d’Alexandrie, c’est la manière unique qu’a l’Alexandrin de mêler judaïsme et hellénisme et d’utiliser les concepts et les images de la philosophie, parfois en les adaptant, en les transformant, en les déplaçant, mais toujours au service de son exégèse, comme une sorte de « langue de la raison » qui lui permet de traduire en des termes universels la parole de Dieu2. S’intéresser aux notions de « profane » et de « sacré », telles qu’on les rencontre dans l’œuvre de Philon, permet de comprendre et d’illustrer cette manière de faire. La distinction entre le profane et le sacré, de même que la distinction entre le pur et l’impur, est en effet centrale dans l’Ancien Testament, et Philon, qui est avant tout fidèle au texte biblique, reprend cette distinction à son compte, l’explique, la développe. Mais à partir de sa source scripturaire, il élabore progressivement sa propre réflexion, par le biais de l’allégorie, et ainsi, en vient à une définition plus générale et plus personnelle du profane et du