les nouveaux visages de la subordination
Droit social 2000 p.131
Les nouveaux visages de la subordination (1)
Alain Supiot, Professeur à l'université de Nantes, Droit et changement social, équipe associée CNRS
6028/MSH Guépin
« Les Temps modernes » ont été tournés par Chaplin à l'époque même où la Cour de cassation a préféré définir le travailleur salarié par son état de subordination plutôt que par sa dépendance économique (2). L'usine des « Temps modernes », celle qui a servi de référence à notre droit du travail, est …afficher plus de contenu…
Mais si Chaplin devait revenir tourner son film aujourd'hui, il n'userait sûrement pas des mêmes images. Les industries ultramodernes ont toujours des ouvriers salariés mais elles ont abandonné le taylorisme : Charlot s'y trouverait aux prises avec les cercles de qualité, les « contrats d'objectifs » négociés et les entretiens annuels d'évaluation. En revanche son rêve d'indépendance agreste tournerait au cauchemar de la vache folle : toujours indépendants au regard du droit, la plupart des éleveurs ont perdu la maîtrise de leurs produits et se trouvent étroitement soumis au pouvoir de grandes firmes agro-alimentaires. Autrement dit, l'opposition jadis si nette entre le travailleur subordonné et le …afficher plus de contenu…
Le trait commun de ces conceptions est de miser à nouveau sur l'homme et ses capacités personnelles comme facteur de productivité et d'efficacité économique. Il s'agit de rendre à l'homme au travail une autonomie qui lui permette d'exprimer son talent propre, tout en sauvegardant l'essentiel, c'est-à-dire la maîtrise de l'employeur sur les fruits de ce travail. Les salariés se trouvent ainsi davantage soumis en pratique à des obligations de résultat qu'à des obligations de moyens. Il en résulte une beaucoup plus grande latitude dans l'exécution de leur travail, et une libération de leurs capacités d'initiative. La contrainte ne disparaît pas, elle est intériorisée. Un nombre croissant de travailleurs salariés opèrent ainsi dans