N'y a-t-il aucune vérité dans le mensonge
Il ne peut y avoir de fausse note que dans un cadre harmonique. De la même manière, le mensonge n'a de signification que sur un fond de vérité, dont il tente de déformer tel ou tel aspect. Un mensonge intégral relèverait du non-sens. Dans ces conditions, il y a nécessairement de la vérité dans le mensonge. Mais ce "dans" recèle une ambiguïté. Car le mensonge ne trouve pas seulement son sens à travers un contenu intrinsèque volontairement falsifié, mais aussi et surtout en ce qu'il est un élément d'une démarche qui s'inscrit dans un certain contexte, en relation à autrui. Le problème n'est donc pas de s'interroger s'il peut y avoir de la vérité dans le contenu du mensonge, ce qui est évident, mais s'il peut y en avoir dans l'acte de mentir.
Notons d'abord que, logiquement, pour qu'une proposition composée soit fausse, il suffit qu'une de ses composantes le soit. De la même manière, on peut globalement traiter de mensonge une assertion comportant au moins une falsification volontaire, quand bien même le reste serait rigoureusement exact. L'enfant prétendant à tort à ses parents que le maître l'a félicité après l'avoir interrogé sur sa leçon ne ment ni sur le fait qu'il ait été à l'école, ni peut-être même sur le fait qu'il ait appris sa leçon, ni sur le fait qu'il ait été interrogé, mais seulement concernant les prétendues félicitations. Donc ce qu'il dit est majoritairement vrai, et cependant c'est un mensonge.
Car l'important dans cette affaire n'est pas d'avoir un bon pourcentage de vérité, mais d'avoir sciemment trompé sur un point décisif, dans le cadre de la relation à ses parents. Ainsi retrouve-t-on la définition donnée par Alain (dans Les dieux), mentir consiste à tromper sur ce qu'on sait être vrai, une personne à qui on doit cette vérité là. C'est dire que l'essentiel n'est pas la dose de fausseté, mais celle de tromperie. La gravité du mensonge ne se mesure pas au taux d'inexactitude qu'il comporte, mais