Le Fantome De L Avare

j’ai vu son visage s’assombrir. Mes dents toutes de travers avaient arrêté net son sourire. Une larme a failli couler. Je l’ai arrêtée en me mordant la lèvre. Plutôt le sang que les larmes ! On dit que la nature – c’est bien commode – a été avare avec moi. Avare, c’est peu dire. Méchante ? même pas. Elle ne m’a pas fait. J’ai dû sortir d’une poubelle. Je n’ai aucune honte à le dire. J’ai voulu faire de la vie une immense fosse commune où on jetterait les êtres et les immondices. Y arriverai-je ? Le

j’ai vu son visage s’assombrir. Mes dents toutes de travers avaient arrêté net son sourire. Une larme a failli couler. Je l’ai arrêtée en me mordant la lèvre. Plutôt le sang que les larmes ! On dit que la nature – c’est bien commode – a été avare avec moi. Avare, c’est peu dire. Méchante ? même pas. Elle ne m’a pas fait. J’ai dû sortir d’une poubelle. Je n’ai aucune honte à le dire. J’ai voulu faire de la vie une immense fosse commune où on jetterait les êtres et les immondices. Y arriverai-je ? Le

pelucheuses pour la table; au potager, les premières poires et les derniers cassis; elle servait le café, tendait à son père, au père de Philippe, l’allumette enflammée, coupait et cousait des petites robes pour Lisette, et vivait, parmi ces parents-fantômes qu’elle distinguait mal et entendait peu, une vie étrange; elle y endurait la demi-surdité, la demi-cécité agréables d’un commencement de syncope. Sa jeune sœur Lisette échappait encore au sort commun et brillait de couleurs nettes et véridiques

hiérarchies; la noblesse se replie donc sur ses privilèges et fait en sorte de fermer les portes aux bourgeois. Dans la seconde moitié du XVIII siècle, les offices ne sont accordés plus qu’à des nobles. Le roi, poussé par la noblesse, est de plus en plus avare en lettre d’anoblissement. Peu à peu, les portes de la noblesse se referment face à la bourgeoisie. La noblesse va réclamer des monopoles d’accès à certains emplois, et des réformes juridiques vont garantir ce monopole. Naît alors un système de

être essentiellement complexe et varié. Parmi les grands écrivains, Molière fournit un remarquable exemple de cette façon unilatérale de considérer ses semblables. Chacun de ses personnages est présenté sous un aspect uniforme . il s'agit soit d'un avare, soit d'un hypocrite, soit d'un fat, etc., mais non pas vraiment d'un homme. Tous sont des mannequins costumés à l'image de créatures humaines; la ressemblance demeure superficielle et l'intérieur est creux, parce que la nature vraie a été sacrifiée

alerte et puissant a achevé de me guérir. Certes, la solitude est dangereuse pour les intelligences qui travaillent. Il nous faut, autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes. Je suis rentré à l’hôtel très gai, par les boulevards. Au coudoiement de la foule, je songeais, non sans ironie, à mes terreurs, à mes suppositions de l’autre semaine, car j’ai cru, oui, j’ai cru qu’un être invisible habitait sous mon toit. Comme

ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d’ami, dans une caresse au menton ; - tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents ; - habituer doucement l’imagination qui se développe à donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l’effraie, à mépriser ce qui la protège ! Cela va plus vite qu’on ne pense ; le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci ! tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse ! Tant de pudeur

généreux se fait estimer des dieux mêmes ! Ils n'ont pas ainsi traité Orphée, fils d'Aeagre. Ils l'ont renvoyé des enfers, sans lui accorder ce qu'il demandait. Au lieu de lui rendre sa femme, qu'il venait chercher, ils ne lui en ont montré que le fantôme, parce qu'il avait manqué de courage, comme un musicien qu'il était. Plutôt que d'imiter Alceste, et de mourir pour ce qu'il aimait, il s'était ingénié à descendre vivant aux enfers. Aussi les dieux indignés l'ont puni de sa lâcheté, en le faisant

parmi des faces mornes, Et nous le ferons tous! J'étais à leur départ comme j'étais au vôtre. En diverses saisons, tous trois, l'un après l'autre, Ils ont pris leur essor. Hélas! j'ai mis en terre, à cette heure suprême, Ces têtes que j'aimais. Avare, j'ai moi−même Enfoui mon trésor. Je les ai vus partir. J'ai, faible et plein d'alarmes, Vu trois fois un drap noir semé de blanches larmes Tendre ce corridor. J'ai sur leurs froides mains pleuré comme une femme. Mais, le cercueil fermé, mon

alerte et puissant a achevé de me guérir. Certes, la solitude est dangereuse pour les intelligences qui travaillent. Il nous faut, autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes. Je suis rentré à l’hôtel très gai, par les boulevards. Au coudoiement de la foule, je songeais, non sans ironie, à mes terreurs, à mes suppositions de l’autre semaine, car j’ai cru, oui, j’ai cru qu’un être invisible habitait sous mon toit. Comme