Fin de partie
M (outré). – Quelle idée ! cette manie d’explicitation ! Petit bâillon ! que des points ! Pas d’i ! Petit bâillon ! Quelle idée !
Catastrophe1
Que M se rassure, nous n’avons pas la prétention de mettre les points sur les i, des points définitifs s’entend, points barres, des points qui permettent d’expliquer Beckett. Tout au plus voudrions-nous proposer quelques éclaircissements utiles sur Fin de partie. Nous voudrions d’abord replacer la pièce dans son contexte, biographique et surtout historique. Du reste, son auteur nous en aurait facilement remontré en matière d’érudition et, si très tôt ses textes perdent le clinquant un peu précieux auquel il céda un temps, ils sont malgré tout nourris, mais en profondeur, de multiples références qui ne les expliquent pas mais aident à en mesurer les enjeux. Fin de partie s’inscrit dans l’histoire du théâtre, occidental en tout cas, et plus particulièrement dans ce qu’on a commodément, et assez maladroitement, baptisé le théâtre de l’absurde. Nous expliquerons comment la pièce s’y rattache en effet, mais aussi pourquoi l’entreprise de Beckett, menée conjointement sur des fronts en apparence divers — roman, théâtre, poésie — relève d’un projet cohérent et absolument original.
1. Éditions de Minuit, p. 77.
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Fin de partie, Samuel Beckett
Paradoxal*,1tel est le qualificatif que semble appeler l’œuvre de Beckett. Elle porte à leur nature la plus pure les caractéristiques de la représentation théâtrale tout en les déconstruisant, elle dépeuple le monde pour laisser affleurer l’humain, appauvrit le langage pour lui redonner tout son sens. La présente étude se voudrait surtout une invitation à lire et relire une œuvre qui n’en a jamais fini de surprendre et demeure plus qu’actuelle. À la rentrée 2009, le comédien Charles Berling proposait une nouvelle mise en scène de Fin de partie au théâtre de l’Atelier1.2 Peter Brook, immense metteur en scène, directeur avec Micheline Rozan des Bouffes du