Importance politique de l'amitier
Hannah Arendt mentionne explicitement la poésie et montre sa limite : « Tout ce qui ne peut devenir objet de dialogue peut bien être sublime, horrible ou mystérieux, voire trouver voix humaine à travers laquelle résonner dans le monde, mais ce n’est pas vraiment humain. » La poésie (mythologique, épique ou apocalyptique, notamment) recourt au sublime et à l'atroce : elle laisse donc inhumaines les choses inhumaines, et même magnifie leur inhumanité ; tandis que le dialogue, lui, rendrait le monde plus humain. D'où lui vient cette puissance particulière ?
Le dialogue politique fait entrer le phénomène inhumain dans la sphère d'action humaine. Tant qu'un phénomène quelconque n'est pas devenu objet de dialogue, et même s'il trouve « voix humaine », il reste hors de l'action humaine et demeure, donc, inhumain.
Le dialogue politique domestique les phénomènes parce qu'il s'en saisit comme de problèmes concrets. En outre, explique Arendt dans la première partie du texte, un tel dialogue rapproche les citoyens et les rend amis. Un tel dialogue, en effet, désamorce d'abord toute parole manipulatoire pour une raison très simple : les citoyens, face à un problème commun, ont tous intérêt à le résoudre le mieux possible - et puisque nul ne possède par avance la solution (vu que le problème se présente effectivement à tous comme un problème), il suit que tous les participants au débat ont intérêt à accueillir les propositions des autres et à les examiner en toute bonne