Ce n’est pas sur les sens (la perception par les sens), que peut être établie la preuve des vérités mathématiques, qui sont des vérités nécessaires. La nécessité de ces vérités s’établit, en effet, par la voie de la démonstration, qui, en mathématiques, consiste à montrer que, si l’on pose une proposition comme vraie, telle autre s’en déduit, c’est-à-dire est vraie à son tour. C’est une nécessité logique, ou mieux purement rationnelle, qui ne doit rien aux exemples. Les exemples (comme un triangle, ou telle autre figure) peuvent guider l’imagination et l’intuition dans la recherche de la proposition vraie, et permettent de confirmer que la proposition géométrique démontrée correspond à ce qu’on peut observer dans le monde, mais non pas qu’elle est nécessaire, c’est-à-dire démontrée. Même les premières propositions mathématiques, d’où toutes les autres sont déduites, et que Leibniz nomme ici les « principes » (ce qu’on peut appeler parfois en mathématiques des « axiomes »), ne dépendent pas de l’expé- rience (les sens et les exemples) pour ce qui est de leur établissement : ils sont posés parce qu’ils s’imposent par eux-mêmes à l’esprit qui ne peut pas les nier sans se contredire, ce qui est la définition même de la nécessité (« ce qui est et qui ne peut pas ne pas être »). Or, précisément, pour Leibniz, les deux principes les plus hauts sont le « principe de non-contradiction » et le « principe de raison suffisante ».

a) Le « principe de raison suffisante » affirme que tout être a sa raison d’être et que la « raison » d’un être est ce qui le relie nécessairement au reste des êtres connus (« la raison est la vérité connue dont la liaison avec une autre moins connue fait donner notre consentement à cette dernière », et, par excellence, « c’est la cause non seulement de notre jugement, mais encore de la vérité même », et elle correspond alors exactement à « la cause dans les choses »- Leibniz, Nouveaux Essais, IV, 17, §1): « rendre raison » d’un être dans une