Tintin et les picaros
Hergé a mis 10 ans pour terminer cet ultime album (1976), entre problèmes sentimentaux et état dépressif (questions qu'il se pose sur l'art ; remarquer pp. 14 à 19 les tableaux abstraits aux murs...). Son personnage ne l'intéresse plus guère et cela se voit ; jamais Tintin n'aura semblé aussi détaché des événements. Il accepte l'aventure à reculons et sous l'insistance de Haddock qui prend ici une dimension inattendue dans le sens où il devient presque le personnage principal de la première partie de l'histoire. Il agit, prend la décision de partir seul avec Tournesol, réfléchit,comme si Hergé avait eu envie de lui donner une épaisseur différente. La suite est plus conventionnelle, avec son lot de rencontres, de trahisons... Au final, les bons (Alcazar et ses Picaros avinés) ne valent pas mieux que les méchants (Tapioca) et il faudra toute la persuasion de Tintin pour convaincre Alcazar de ne pas fusiller ses ennemis. Même s'il est vrai que la politique n'a jamais passionné Hergé, cette vision peut paraître simpliste si l'on considère que l'album est sorti dans une période où l'Amérique latine était sous le joug de dictatures sanguinaires (financées par la CIA). Ravaler les résistants sudaméricains au rang d'ivrognes écervelés a pu en effet paraître pour le moins réducteur ! Mais là n'était sans doute pas le propos d'Hergé ; ce qui domine finalement, n'est-ce pas la comédie (Carnaval, frasques de la Castafiore en prison, pilules anti-alcool de Tournesol...)