Tous les matins du monde
L'histoire est assez simple, il s'agit d'un certain Monsieur de Sainte Colombe, janséniste, mais surtout musicien, vivant au dix-septième siècle et qui est un artiste et un spécialiste de ce que l'on appelle la viole de gambe, l'ancêtre du violoncelle. Après avoir perdu sa femme, il ne lui reste plus que ses deux filles, mais il lui reste surtout la musique. Il va même sacrifier certainement son amour paternel pour se donner entièrement à cette musique, ajouter une septième corde à son instrument pour lui donner, comme on le dit dans le film, des inflexions de voix humaine.
A côté de cela arrive un jeune homme : Marin Marais, plus connu, plus célèbre, qui sera un musicien réputé de la cour de Louis XIV. Et ce musicien réputé comprendra dans la pleine maturité de sa vie qu'il a raté quelque chose. Il fut le disciple de Monsieur de Sainte Colombe, mais pas au même titre et pas sur la même voie dans laquelle s'est engagé Monsieur de Sainte Colombe. C'est pourquoi Marin Marais constatera la justesse de cette phrase que lui avait dite Monsieur de Sainte Colombe : "Vous serez entouré de musique, mais nous ne serez pas musicien". Et à la fin de sa vie, Marin Marais constate qu'il a tout eu : il a eu la gloire, les honneurs, il le dit lui-même : "j'ai eu les sucres, les louis et la honte". Il lui manque quelque chose de fondamental, c'est d'avoir atteint à l'absolu de ce que peut donner la musique, de ce que peut révéler l'art : une beauté transcendantale, une sorte plénitude qui fait comprendre qu'au-delà d'une maîtrise, qu'au-delà d'une appropriation, qu'au-delà de certaines acquisitions, il y a la grâce d'être entièrement donné à ce que l'on