Tous les matins du monde
Nous allons alors nous demander en quoi le silence est un personnage à part entière dans le roman comme contre-point de la musique ?
Nous verrons qu’il existe différentes formes pour évoquer le silence.
Dans un premier temps, nous tenterons de répondre à cette problématique en analysant le côté affectif du silence. Ensuite nous verront le côté intellectuel du silence. Et pour finir le côté artistique.
Le silence est ici un personnage important. Chez Sainte Colombe son silence vient du deuil « il n’ouvrit pas la bouche » mais aussi de sa nature, comme il le dit à ses filles chapitre II : « il ne s’entendait guère à parler ; leur mère quant à elle, savait parler et rire. »
C’est un souffrant silencieux qui avoue sa douleur de ne pas savoir exprimer à sa femme au même chapitre XV : « la parole ne peut jamais dire ce dont je veux parler et je ne sais comment dire. »
Marin Marais, lui, a connu aussi une perte majeure, la mue de la voix. Le drame de la mue est rendu de façon saisissante dans le chapitre VIII par l’idée d’une sorte de retour à l’état sauvage associé à la transformation du corps par la sexualité pubère : «Il ne savait où se mettre ; les poils lui étaient poussés aux jambes et aux joues ; il barrissait ».
Une souffrance est reconnue par Sainte Colombe dans une formule frappante à la fin du chapitre X :
« Cependant votre voix brisée m’a ému. Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art. »
Beaucoup de scènes montrent une communion profonde entre les personnages au-delà du langage, par les sentiments qu’ils éprouvent. Comme la scène de la petite viole, dans laquelle Toinette enfant étreint son père qui reste muet au chapitre III. Les sentiments de SC sont réels, invisibles, mais profonds. On le voit par le soin qu’il a mis à