Le questionnement du rapport entre didactique et pédagogie a suscité d’âpres polémiques qui ont accentué la prétendue opposition de ces deux approches et leur exclusion mutuelle. Nombreuses sont de nos jours les disciplines qui traitent de l’éducation et de la formation, dont certaines sont perçues comme porteuses de réponses à la crise du sens des savoirs scolaires. Quoi de plus incertain face à la différenciation du champ éducatif et à la diversité des savoirs qui l’appréhendent que le statut de la vieille pédagogie, se trouvant contestée dans son ambition historique de penser les pratiques enseignantes et de les légitimer. Tout se passe comme si la pédagogie était devenue « l’homme malade », l’empire dont la vieillesse a éveillé l’appétit colonisateur des puissances modernes et postmodernes. Et pourtant rien n’est moins certain que cette représentation réductrice qui déclare faire le deuil de la pédagogie et de la dimension praxéologique qui la spécifie pour se vouer à une approche scientiste ou purement technique de l’enseignement et de la formation. A vrai dire, le lien qu’établit la pédagogie avec les différentes disciplines consacrées à l’étude rationnelle des pratiques enseignantes et leur compréhension - telles les sciences de l’éducation et les didactiques des disciplines - est beaucoup plus complexe. C’est pourquoi il nous a paru intéressant d’examiner le rapport entre pédagogie et didactique dans la perspective des métamorphoses et des avatars de la modernité éducative. Plus précisément, nous cherchons à montrer comment la pédagogie, en tant qu’intelligence praxéologique de l’action éducative, et la didactique, en tant qu’étude de l’enseignabilité des savoirs scolaires et des modes de leur appropriation, puisent leurs rationalités de référence dans la modernité. A supposer que la rationalisation des conceptions du monde est un processus de spécialisation des activités humaines qui a donné naissance aussi bien aux pédagogies modernes qu’aux didactiques