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Des " écrivains pendant la guerre " à la guerre des écrivains, ou comment reprendre sans moralisme ni naïveté les relations en période de crise, entre l'artiste et la société. Au-delà des listes noires et des tableaux d'honneur, ce qui est en jeu, c'est au fond la définition de la littérature.
Historienne, chercheuse au CNRS, Gisèle Sapiro, formée à l'approche sociologique du champ littéraire par Pierre Bourdieu, se donne l'ambition de mettre au jour ce qui a déterminé la prise de position des écrivains français pendant la Seconde Guerre mondiale. Une analyse statistique de la situation et du parcours de 185 auteurs et une étude des grandes institutions renouvellent l'approche des transformations du champ littéraire
Gisèle Sapiro. Il y a deux types d'approche. L'une très centrée sur le politique, privilégiant les grandes figures comme Drieu La Rochelle, Rebatet, les engagements extrêmes, et l'autre, sur l'histoire de la vie culturelle sous l'Occupation, qui avait tendance à dépolitiser les questions culturelles. J'ai souhaité montrer qu'il y avait des enjeux politiques dans les questions culturelles les plus anodines et que des engagements très politiques avaient parfois aussi des fondements " apolitiques ", en particulier " littéraires ". Ce qui m'intéressait dans une approche sociologique, c'était rapporter les conduites des écrivains à cette époque aux enjeux spécifiques du monde des lettres et au mode de fonctionnement de cet univers très particulier qu'on nomme le champ littéraire
On a souvent l'habitude, dans les livres sur cette époque, d'une galerie de portraits, d'une sorte de jugement dernier de l'Histoire, séparant les bons des méchants. Est-ce que le débat sur la responsabilité de l'écrivain, qui, vous le montrez, date de bien avant la guerre, n'y conduit