Emile ou de l'éducation
Introduction
Est-il bien opportun de "commencer" par une question aussi générale : qu'est-ce que former, qu'est-ce qu'éduquer ?
Pourquoi il faut, aujourd'hui, plus que jamais, s'interroger sur l'essence même de l'éducation et de la formation. La question doit être résolument posée parce qu'elle est plus que jamais posée dans les faits : les choses de l'éducation et de la formation sont en plein mouvement ; nos sociétés s'interrogent et doutent et se divisent là-dessus ; notre époque est celle d'un monde qui bascule et l'éducation est empotée avec elle. Nous sommes peut-être dans le mouvement d'un changement de paradigme, dans l'une de ces périodes d'effervescence où la conscience pédagogique, comme le disait Durkheim, est particulièrement sensible aux mouvements qui touchent en profondeur la société.
L'un des signes de ce mouvement, de ce glissement de paradigme : la façon dont l'idée de formation tend à recouvrir celle d'éducation. Comment le vocabulaire de la formation s'impose dans le champ de l'école et de l'éducation.
La vigilance philosophique commence notamment par l'attention aux mots qui nous servent à penser l'éducation. De l'intérêt de l'analyse logique (analyse du langage), de l'étymologie à cet égard.
Educere (tirer de), ou bien educare (nourrir, prendre soin de) ?
Educere, et donc arrachement, ou bien inin (= répéter deux fois, dans la langue Drehu) et donc enracinement ?
Et former formare, est-ce accomplir, ou bien "formater" ?
Ce chapitre du cours tentera donc de proposer quelques repères pour cette réflexion, de prendre la mesure de ce qui est en jeu, en question dans ces "glissements" du paradigme éducatif, dans cette entrée dans la "société cognitive" où l'individu appartient à la formation "tout au long de la vie" … : l'homme y est-il une fin, ou bien une sorte de moyen ?
I. Eduquer, former : le sens des mots
1. Du sens des mots à l'interrogation du sens