La fed
Dominique Lacoue-Labarthe
Au cours de la décennie 1990 pendant laquelle l'économie américaine connaît une phase de prospérité remarquable, la politique monétaire et bancaire conduite par Alan Greenspan, président du Système de réserve fédérale, la Fed, est largement reconnue responsable de la croissance non inflationniste. La banque centrale se distingue en effet par son habileté à fixer les taux d'intérêt au bon niveau et au moment adéquat, sans surprise inutile. Elle sait aussi prévenir les défaillances bancaires si nombreuses dans les années précédentes et intervenir efficacement dans les cas de crise systémique. Elle avait su enrayer le krach du marché boursier en 1987; elle parvient à circonscrire la faillite du fonds d'investissement LTCM en 1998 et à éviter la paralysie du système des paiements interbancaires consécutive aux destructions du 11 septembre 2001. L'art du Central banking serait-il enfin parvenu à un stade avancé d'efficacité économique ? Avant d'en arriver là, le système monétaire des Etats Unis connaît bien des expériences vécues comme une longue suite d'erreurs et d'apprentissages. Du point de vue de son organisation institutionnelle, il n'est doté d'une banque centrale qu'en 1913. Dans la recherche d'un régime monétaire optimal, le Congrès américain se départit des modèles britannique ou français qui font, d'après lui, la part trop belle à une banque nationale placée sous le contrôle direct du gouvernement et investie d'un pouvoir centralisateur. Deux tentatives pour instaurer une banque nationale d'émission avortent après le veto opposé en 1836 par le président Jackson au renouvellement de la charte de la Second Bank of the United States. La voie de l'uniformisation et du monopole d'émission monétaire est ainsi fermée pour longtemps. La première organisation bancaire fédérale durable ne prend corps qu'en 1863 avec le Système bancaire national (National Banking System) et elle