La verité
Face à la diversité du réel et de ses appréhensions par les individus à travers les appréciations sensibles ou à travers les sentiments, nous sommes souvent tentés de prétendre que la réalité est changeante, provisoire et particulière de sorte que la vérité est relative à chacun de nous, relative à chaque observateur. Tel est le point de vue notamment des sophistes dans l’Antiquité qui, comme Protagoras, soutiennent que « l’homme est la mesure de toutes choses ». Ils entendent par cette formule que la réalité dépend de l’appréhension que chaque individu en a. Le présupposé de ce jugement est que la réalité est essentiellement sensible, objet de sensations et de sentiments dépendants de la particularité de chacun d’entre nous. La raison n’est plus alors ici que l’instrument des opinions qui conviennent à nos intérêts et établir la vérité consiste à persuader les autres des opinions qui nous sont utiles. La réalité étant particulière ou singulière, la vérité n’est plus que la propriété d’un discours subjectif qui s’efforce de l’emporter l’adhésion de l’auditoire.
Le problème que pose une telle conception de la vérité est d’abord indiqué par les conséquences pratiques d’une telle conception : la raison et la prétendue vérité ne sont plus que les instruments des opinions subjectives particulières et ces opinions restent sans autre norme que le triomphe de l’orateur sur le public. La recherche du pouvoir sur l’auditoire se substitue à la recherche de la vérité. La vérité n’est pas à découvrir mais une opinion à construire et à imposer. Or les opinions sont diverses puisque particulières, elles sont par ailleurs changeantes comme mon humeur ou mes intérêts de sorte que le sophiste doit se faire fort de soutenir n’importe quel point de vue sur n’importe quel sujet. Le critère de la vérité est ici le succès de la persuasion.
La conséquence théorique d’une telle conception de la réalité est que la