Il faut toujours se méfier de la rhétorique de Nietzsche, puisqu'elle n'est précisément que cela: une rhétorique. Qu'est-ce que la guerre ? On se tromperait en voyant dans ces lignes une préfiguration de la guerre civile planétaire qui devait débuter dans les rues de St Petersburg et de Berlin; tout au contraire. Il n'est pas question ici des orages d'acier et des affrontements de rue (que l'esprit nietzschéen conduit plutôt à mépriser, directement ou indirectement), mais du classique combat du philosophe contre lui-même, en tant qu'il se sait être-divisé et champ de bataille, c'est-à-dire lieu de rencontre de forces différenciées.

La nouveauté est peut-être que le dualisme prêté à Platon se transpose ici dans le monde, c'est-à-dire dans la société envisagée comme lutte permanente des types (et la paix, c'est-à-dire la pacification, est incontestablement un efficace moyen de contrôle pour certaines classes). Il faut y voir la propre marginalité de Nietzsche, mais admettre qu'il y a aussi plus que cela: un décalage radical avec les hommes de la doxa, de l'opinion commune. Soit la position sociale-existentielle du philosophe.

Dès lors, vivre philosophiquement signifie nécessairement suspendre les conditions de bonne tenue de la doxa pour provoquer le choc généralisé avec l'essentiel. Faire la guerre à la société des modernes en tant qu'elle n'admet que le rigide, le lourd, le sérieux, le grotesque: faire la regard à tout régime.

Un problème fondamental de la politique moderne se révèle ici: la confusion entre problème culturel, au sens allemand, et problème strictement politique. En tant que la politique tend à se confondre avec l'économique qui prend elle-même le pas sur toute organicité non-marchande. Si l'on comprend la distinction, on doit aussi voir au-delà des termes de la rhétorique et raisonner depuis Nietzsche, soit dans une optique anti-militante, c'est-à-dire anti-idéaliste et strictement vitaliste (en reprenant l'image du ciel étoilé plus que du