Reaction sur la grammatologie
Jacques Derrida
Selon Derrida, la conception ‘traditionnelle’ de signifiant-signifié est la suivant : le signifiant est le dérivé du sceau de la relation entre parole (phoné) et esprit, c’est-à-dire l’objet lui-même, et le signe s’inscrit donc dans un système logo-centriste et phono-centriste à la fois (puisque parole et signification sont étroitement liés, voire inséparables).
Néanmoins, il me semble que cette conception semble basée sur un postulat problématique, que Derrida ne remet pas en question : l’argument selon laquelle les expériences mentales sont les mêmes pour tous, et constituent donc un langage universel commun à tous, est –selon moi – peu convaincant. Nous n’avons aucun moyen de vérifier si tel est le cas, puisque la communication passe par un index signifié-signifiant, de l’esprit à la voix. Nous sommes condamnés à faire usage de conventions, en espérant qu’à défaut de représenter la vérité (peut-être est-ce le cas, mais comme je l’ai dit rien ne nous le prouve, et les arguments en faveur de cette affirmation sont purement théoriques et conjecturels).
Ainsi, à moins d’établir cette proposition comme axiome (ce qui en réalité ne ferait que contourner le problème et ne servirait de fondation qu’à une preuve conditionnelle dont la pré-condition serait invérifiable), la liaison étroite établie ici entre signification et voix n’est pas universelle. Plus précisément, la relation entre parole et représentation mentale est certes une relation signifiant-signifié, mais un même signifiant chez deux individus ne se rapportera pas nécessairement à un même signifié, ou pour le moins ce signifié sera dans l’esprit de chacun associé, consciemment ou pas, à d’autres signifiés, probablement différents chez l’un et chez l’autre.
Note sur la méthodologie de Derrida : Nous avons déjà observé la façon dont le penseur français effectue dans son essai Signature, Evénement, Contexte[1], une manipulation renversant le rapport d’inclusion