L'interiorisation du controle social
L'intériorisation de la contrainte est d'abord le résultat d'un processus historique : elle est l'une des caractéristiques fondamentales du « processus de civilisation » décrit par Norbert Elias13. L'historien Roger Chartier en résume la dynamique : « en Occident, entre le xiie et le xviiie siècle, les sensibilités et les comportements sont profondément modifiés par deux faits fondamentaux : la monopolisation étatique de la violence qui oblige à la maîtrise des pulsions et pacifie ainsi l'espace social ; le resserrement des relations interindividuelles qui implique nécessairement un contrôle plus sévère des émotions et des affects. »14
Par ailleurs, au fil des interactions quotidiennes, l'intériorisation du contrôle social est renforcée par les rôles sociaux et des jeux de distinction dans lesquels les individus sont pris : l'auto-contrôle des émotions, la maîtrise de soi, le refoulement des pulsions, sont l'effet d'un contrôle social que l'individu s'impose à lui-même pour tenir son rang, en particulier lorsqu'il prétend à la domination (Elias15), ou pour garder la face, dans le cadre d'une mise en scène de la vie quotidienne (Goffman16).
Enfin, plus fondamentalement, l'intériorisation du contrôle social est le fruit d'une socialisation : si dans les salles de classe d'un lycée, les élèves restent (très généralement) assis, ce n'est pas parce qu'après