Le temps de la loi
Par Jean-Louis BERGEL Professeur à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille III
A l’évidence, le phénomène juridique se situe dans le temps. Comme l’écrivait Michel Virally, toute norme juridique est « une tentative de stabilisation des rapports sociaux en perpétuel devenir et tout ordre juridique est un défi au temps, un effort de conservation de l’état social qu’il établit. Et pourtant, le droit n’est pas en mesure de figer l’évolution des sociétés. Il doit sans cesse s’adapter pour conserver son effectivité en face des transformations sociales. Bien mieux, il peut précéder les mouvements historiques, les orienter et les canaliser… en vue d’instaurer un ordre nouveau… » La coutume, issue d’un usage spontané, général et prolongé, est probablement la meilleure manifestation du rôle créateur de droit que l’on peut reconnaître au temps. Comme le disait Carbonnier, la coutume est « du droit constitué par l’habitude ». C’est un phénomène de création continue de la norme. Née d’un consensus matérialisé par des actes d’application, elle se prolonge ou s’éteint selon l’usage qu’on en fait. Dans de nombreux pays, en Europe continentale notamment, ce droit spontané a plus ou moins cédé la place à un droit essentiellement légiféré procédant d’actes délibérés de l’autorité publique qui a pour mission de l’élaborer, de la formuler, de le consacrer, de le divulguer et de l’imposer. Dans la tradition française, la loi, émanation de la Nation représentée par le Parlement, est la source privilégiée du droit. Mais on se souvient de la fameuse formule de Portalis : « les codes des peuples se font avec le temps, à proprement parler on ne les fait pas ». Il est clair que la loi ne se fait pas sur l’instant et qu’elle s’applique un temps, pour évoluer par la suite : elle ne se conçoit, s’applique et se transforme que dans la durée. La conception de la loi exige d’abord un diagnostic de la nécessité de légiférer, fondé sur l’analyse comparative des faits et des