9782806217059
Johann August Suter
Pour ce personnage, Cendrars s’est librement inspiré de la vie de Johann August Sutter (avec deux « t ») qui a réellement existé. Les deux vies sont à ce point semblable que l’on pourrait croire à un récit historique. Cependant, comme nous le verrons plus bas, Cendrars a délibérément fait le choix de la fiction pour raconter la vie du général.
L’histoire de Suter, son ascension et sa déchéance, c’est d’abord l’aventure d’un solitaire. De sa Suisse natale à la Californie,
Suter est mis au ban d’une société qu’il a lui-même toujours rejetée. Dans un premier temps cependant, c’est un solitaire
ambitieux et rien ne semble lui résister. Il déjoue les pièges du voyage et, dans un contexte californien difficile, se crée
un véritable empire appelé la Nouvelle-Helvétie. Pour arriver à ses fins, il n’hésite pas à rompre avec son passé, à quitter
femme et enfants. En outre, « (c)e n’est pas changer de vie qu’il veut, ni même seulement changer sa vie, mais changer la vie. »1 Chez Suter, « aventure et solitude sont les deux faces d’une même passion »2, celle de conquérir son destin, opiniâtrement et sans se retourner.
Suter est donc un véritable pionnier. Il se nourrit de tout, il écoute tout ce qu’on lui explique et, en homme d’action, il met en application ce qui lui semble bon. Il ne recule devant rien, n’a aucune limite, aucun scrupule, et a un terrible sens
des affaires. Son efficacité est sans faille. La Nouvelle-Helvétie, au sein de laquelle il est le maitre absolu, est gérée à merveille. Il était alors d’une rare perspicacité, ne commettait jamais d’impair, louvoyait, promettait
tout ce que l’on voulait, soudoyait audacieusement les chefs au bon moment, abreuvait les hommes de beaux discours et d’alcools. (p. 100-101)
Pourtant, rien n’est éternel. Le destin de Suter s’avère tragique et paradoxal. Lui qui s’apprêtait à devenir l’homme le
plus riche du monde est ruiné par la découverte de l’or sur ses propres