Le pouvoir créateur du juge
Les tenants de la thèse selon laquelle la jurisprudence n’est pas une source du droit avancent l’argument de la séparation des pouvoirs, lequel résulte de l’article 10 de la loi des 16 et 24 août 1790, principe repris dans notre droit positif. Ce principe impliquerait que seul le pouvoir législatif puisse élaborer des règles de droit, à l’exclusion du pouvoir judiciaire. Les juges devraient donc se contenter d’appliquer le droit sans pouvoir le créer. L’argument peut être réfuté. Il résulte d’une confusion entre le mot loi et le mot droit, laquelle témoigne de l’influence du courant positiviste étatique auprès des juristes. Le principe de séparation des pouvoirs signifie que le pouvoir législatif est le seul à pouvoir élaborer la loi, il ne signifie pas que le pouvoir législatif soit le seul à créer du droit. Nous avons déjà pu constater à plusieurs reprises que le droit peut être élaboré en dehors de tout texte de loi au sens large, par la coutume ou par l’accord de volonté.
La question est donc de déterminer si le juge peut créer du droit, étant évident qu’il ne peut créer la loi en vertu du principe de séparation des pouvoirs. La réponse à cette question, la création du droit, dépend de la conception que l’on a de la mission du juge. En d’autres termes, la réponse à l’autorité de la jurisprudence sera différente selon que l’on considère que le juge est un « réformateur du droit », selon le mot de Malaurie et Morvan, ou un « serviteur de la loi ». Si le juge est un « serviteur de la loi » ou selon l’expression de Montesquieu, « la bouche de la loi », son rôle est réduit à une simple fonction technique d’application de la loi et non de révélation de la loi en fonction du contexte économique, sociale… C’est cette seconde conception qui semble être retenue en droit civil au sens large, puisqu’il résulte de l’article 12 du NCPC que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». Si le juge